Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 5.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[ ARBALÈTE ]
— 26 —

Anglais, ils commencèrent à lâcher pied et mirent le désordre dans les corps de cavalerie qui les suivaient. L’équipement de l’arbalétrier était en effet très-lourd. Une arbalète de guerse pesait environ vingt livres, la trousse garnie quatre ou cinq livres ; l’arbalétrier portait souvent, en outre, un large pavois pour se garantir pendant qu’il bandait son arc ; il avait à son côté une épée longue, était revêtu d’un chapel de fer, d’un camail de mailles, d’une brigantine de lamelles de fer couvertes d’étoffe, avec hautes manches et sous-jaquette de mailles, de chausses de toile ou de peau doublées, avec genouillères de fer. L’ensemble de cet équipement ne devait pas peser moins de soixante-dix à quatre-vingts livres. Aussi les arbalétriers ne pouvaient-ils être considérés comme des troupes mobiles, et leur véritable emploi était la défense ou l’attaque des places. Derrière un parapet ou un mantelet, l’arbalétrier conservait tous ses avantages ; ne tirant que lentement, il fallait qu’il fût à couvert. La figure 2 montre l’arbalétrier de la fin du XIVe siècle. La brigantine était un excellent vêtement de guerre ; laissant aux mouvements du corps leur souplesse, elle était d’ailleurs aussi lourde que le corselet de fer[1]. L’arbalétrier que présente notre figure porte son pavois sur son dos, attaché par une courroie ; le double crochet pour bander son arc, devant lui ; la trousse faite de peaux collées ensemble, pour recevoir la provision de carreaux[2] ; l’arbalète accrochée derrière la courroie à laquelle est fixé le crochet ; les genouillères de fer et la longue épée avec quillons à potences contrariées[3] ; le chapel de fer sans visière et le camail de mailles. En marche, l’arbalète se portait sur l’épaule, comme plus tard le mousquet.

Cet équipement varie peu pendant le cours du XVe siècle. Le crochet est remplacé par la moufle ou le cry attaché à la ceinture ; mais nous reviendrons sur ces modifications.

Nos collections ne renferment aucune arbalète antérieure au XVe siècle, et les peintures des manuscrits donnent à cette arme, avant cette époque, une forme qui ne diffère pas de celle admise depuis 1400 jusqu’à 1500. L’arbalète à tour est semblable à l’arbalète dont l’arc est bandé par le crochet, si ce n’est que cet arc d’acier est plus fort, l’arme un peu plus lourde par conséquent. Aussi l’arbalète à tour ou à moufle est-elle la plus propre à la défense ou à

  1. Voyez Brigantine.
  2. La collection de M. le compte de Nieuwerkerke possédait une de ces trousses (voyez Carreau).
  3. Voyez Épée.