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[ ÉPÉE ]
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La figure 11 donne en A le fourreau usité à cette époque[1], et en C une des frettes de métal de ce fourreau, composé d’ais de bois recouverts de peau ou d’étoile de soie. En a, on voit le recouvrement de peau qui empêchait l’humidité de pénétrer dans le fourreau.

Au commencement du xive siècle, les épées à lames cannelées sont fort rares. Ce sont surtout des armes d’estoc. Et en effet on commençait alors à porter des plates, spallières, arrière-bras, cubitières, ailettes, avant-bras, cuissots et genouillères. Les longues épées de taille, légères, ne pouvaient rien sur ces pièces d’armure ; on paraît avoir renoncé à leur usage sous Philippe le Bel, et les hommes d’armes ne portent-ils que des épées dont les alemelles sont à section quadrangulaire, sans cannelures.

L’arme que nous donnons ici (fig. 12[2]) date du commencement du xive siècle. La section de la lame près du talon est tracée en B. Les tranchants sont droits jusqu’à la pointe, qui est faite en façon de carrelet. La soie est large, forte, et était simplement entourée de fil ou de peau collée. Le pommeau est finement forgé, avec petit évidement circulaire au centre, sertissant parfois un chaton sous lequel était déposé un fragment de relique. En D, est figuré ce pommeau, aux deux tiers de l’exécution, et en E la garde au centre. En C, est la section du fourreau, avec l’épaisseur des frettes[3].

Lorsque deux troupes de gens d’armes avaient fourni une charge à la lance, il arrivait que beaucoup de chevaux étaient renversés par le choc. Alors les hommes d’armes qui pouvaient se dégager mettaient l’épée à la main et combattaient à pied.

Il est souvent question de ce genre de combat dans les romans du xiiie siècle :

« Dont n’i ot plus, mes chascuns let
« Chevalz aler ; si s’entreviennent
« Es escuz ; des lances qu’ils tienent
« Se vont ferir de fier esles
« Si qu’il en font froissier les es
« Des escuz encontre leur piz,
« Et qu’il ont par force guerpiz
« Les frains, car les lances sont fortz ;
« Et il qui de si grant effortz
« Furent et si fort s’entrevont,
« Qu’il abatent tout en .I. mont,

  1. Statue tombale, musée de Toulouse (seconde moitié du xiiie siècle).
  2. De la collect. de M. le comte de Nieuwerkerke.
  3. Ce fourreau est pris sur une gravure tombale de cette époque.