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[ ÉPÉE ]
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donnée la section de la lame au talon ; les plans sont ici légèrement concaves, ce qui est habituel à dater du commencement du xve siècle. En E, est donné le poinçonnage empreint sur le cuivre : c’est un roc[1]. La main saisit bien cette poignée, composée avec une parfaite observation de la pression exercée par les doigts et la paume. Il serait possible que cette épée fût de fabrication italienne. Ce qui le pourrait faire croire, c’est que M. E. de Beaumont possédait une épée de fabrication identique, sur la lame de laquelle étaient gravées les armes des Visconti et de l’Empire[2]. D’ailleurs ces sortes de poignées et ces façons de pommeaux se rencontrent bien rarement dans les monuments figurés français. Cependant, à la fin du xive siècle et au commencement du xve la chevalerie française usait fréquemment des armes italiennes, comme plus tard, sous le règne de Louis xi, elle usa des armes et armures de Nuremberg et de Vienne, à l’instar de la cour de Bourgogne.

Le pommeau en forme de disque est toujours le plus fréquemment adopté pour l’épée française. Les exemples abondent. Voici, entre autres, l’épée de Louis ii, duc de Bourbon (fig. 17[3]). Le pommeau est orné de pierreries et d’un phylactère avec le mot espérance deux fois gravé. Un bracelet de joyaux pend sur les quillons, très-simples. Le fourreau est semé de fleurs de lis avec la bande. En A, est donnée la section hexagonale de la poignée.

Les xive et xve siècle fabriquèrent des épées d’une grande richesse : « Item pour une renge[4] d’espée, et pour le fourriau fait « en lissié, ouvré à besteletes, que la Royne donna au Roy[5]. » — « Pour faire et forger la garnison toute blanche d’une espée dont « l’alemelle estoit à fesnestres[6] C’est assavoir, faire la croiz (les quillons), le pommeau, la boucle et le mordant, et un coipel[7] ; « rendue ladite espée audit seingneur, et en pesoit l’argent 1 marc « 1 once 10 estellins[8]...»

  1. Fer de lance émoussé, pour les joutes.
  2. Cette épée appartint plus tard a M. le comte de Nieuwerkerke, qui était parvenu à réunir la plus complète collection de ces armes que nous ayons vue, du xiie siècle au xviie.
  3. De la statue de ce prince, mort en 1410, et dont le tombeau est placé dans l’ancienne abbatiale de Souvigny, près de Moulins.
  4. Le baudrier.
  5. Compte de Geoffroi de Fleury (1316).
  6. La lame était ajourée.
  7. Coipel est un copeau. Nous ne savons ce que signifie ce mot ici.
  8. Compte d’Étienne de la Fontaine (1352).