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arbalétriers furent remplacés par les pistoliers et arquebusiers. L’infanterie, vers la fin du règne de Charles VII, était distribuée par petits bataillons carrés pleins, habituellement disposés en échiquier ou en échelons, pour mieux résister aux charges de cavalerie. Sur les côtés des carrés, on plaçait quatre fronts de porteurs de fauchards, de vouges ou de guisarmes, et au centre les arbalétriers ou archers. Ces derniers sortaient des carrés pour opérer en tirailleurs et se réfugiaient dans les carrés s’ils étaient chargés. Alors les bataillons pouvaient se défendre sur les quatre faces. Mais cette organisation de l’infanterie se prêtait peu aux mouvements rapides et était plutôt défensive qu’offensive. Les actions commençaient toujours par les combats de cavalerie, et l’infanterie ne prenait un rôle agressif que quand un des deux partis était entamé ou mis en désordre par une charge heureuse. Il fallait de la cavalerie pour soutenir l’infanterie, car ces bataillons ne pouvaient qu’opposer un obstacle aux gens d’armes ; si on les laissait livrés à eux-mêmes, ils étaient forcément entourés et dispersés par une série de charges.

Il semblerait que les populations qui ont voulu donner à l’infanterie un rôle plus actif sont celles qui ne pouvaient mettre en ligne une nombreuse cavalerie. Les Suisses étaient dans ce cas. Indépendamment des armes de trait et de main que possédaient les peuples voisins, ils avaient dans leur infanterie un certain nombre d’hommes porteurs d’énormes épées h deux mains qu’ils manœuvraient habilement, et avec lesquelles ils fauchaient dans les escadrons de cavalerie comme dans un champ. Nous ne saurions affirmer que les Suisses soient les premiers qui aient adopté cette arme terrible, mais il est certain qu’ils savaient s’en servir pendant la moitié du xve siècle : les batailles de Granson et de Morat en fournissent la preuve. Robustes, agiles, bons marcheurs, leur infanterie, en bataille, savait prendre l’initiative, s’avançait hardiment au devant des escadrons, recevait les charges avec ses épieux et fauchards, pendant que les porteurs d’épées à deux mains se jetaient sur les flancs des assaillants, brisaient les armures, estropiaient les chevaux et faisaient des trouées en mettant le désordre dans la gendarmerie compacte. Alors les porteurs de piques et de fauchards, poussant en avant, achevaient la déroute.

Il ne paraît pas que cette tactique ait été habituelle à l’infanterie française à la fin du xve siècle. Celle-ci conserva longtemps chez nous son rôle de protectrice de la gendarmerie ; on se ralliait derrière elle, comme derrière un obstacle, pour recommencer de nouvelles charges, surtout lorsqu’à cette infanterie on adjoignit des