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de la grandeur royale, ni au joug d’aucune puissance terrestre[1]. Par Dieu, en Dieu et tous ses saints, et sous la menace redoutable du jugement dernier, je prie, je supplie que ni prince séculier, ni comte, ni évêque, ni le pontife lui-même de l’Église romaine, n’envahisse les possessions des serviteurs de Dieu, ne vende, ne diminue, ne donne à titre de bénéfice, à qui que ce soit, rien de ce qui leur appartient, et ne permette d’établir sur eux un chef contre leur volonté ! Et pour que cette défense lie plus fortement les méchants et les téméraires, j’insiste et j’ajoute, et je vous conjure, ô saints apôtres Pierre et Paul, et toi pontife des pontifes du siège apostolique, de retrancher de la communion de la sainte Église de Dieu et de la vie éternelle, par l’autorité canonique et apostolique que tu as reçue de Dieu, les voleurs, les envahisseurs, les vendeurs de ce que je vous donne, de ma pleine satisfaction et de mon évidente volonté. Soyez les tuteurs et les défenseurs de Cluny, et des serviteurs ; de Dieu qui y demeureront et séjourneront ensemble, ainsi que de tous leurs domaines destinés à l’aumône, à la clémence et à la miséricorde de notre très-pieux Rédempteur. Que si quelqu’un, mon parent ou étranger, de quelque condition ou pouvoir qu’il soit (ce que préviendra, je l’espère, la miséricorde de Dieu et le patronage des apôtres), que si quelqu’un, de quelque manière et par quelque ruse que ce soit, tente de violer ce testament, que j’ai voulu sanctionner par l’amour de Dieu tout-puissant, et par le respect dû aux princes des apôtres Pierre et Paul, qu’il encoure d’abord la colère de Dieu tout-puissant ; que Dieu l’enlève de la terre des vivants, et efface son nom du livre de vie ; qu’il soit avec ceux qui ont dit à Dieu : Retire-toi de nous ; qu’il soit avec Dathan et Abiron, sous les pieds desquels la terre s’est ouverte, et que l’enfer a engloutis tout vivants. Qu’il devienne le compagnon de Judas, qui a trahi le Seigneur, et soit enseveli comme lui dans des supplices éternels. Qu’il ne puisse, dans le siècle présent, se montrer impunément, aux regards humains, et qu’il subisse, dans son propre corps, les tourments de la damnation future, en proie à la double punition d’Héliodore et d’Antiochus, dont l’un s’échappa à peine et demi-mort des coups répétés de la flagellation la plus terrible, et dont l’autre expira misérablement, frappé par la main d’en haut, les membres tombés en pourriture et rongés par des vers innombrables. Qu’il soit enfin avec tous les autres sacrilèges qui ont osé souiller le trésor de la main de Dieu : et, s’il ne revient pas, à résipiscence, que le grand porte-clefs de toute la monarchie des églises, et à lui joint saint Paul, lui ferment à jamais l’entrée du bienheureux paradis, au lieu d’être pour lui, s’il l’eût voulu, de très-pieux intercesseurs. Qu’il soit saisi, en outre, par la loi mondaine, et condamné par le pouvoir judiciaire à payer cent livres d’or aux moines

  1. « Placuit etiam huic testamento inseri ut ab hac die, nec nostro, nec parentum nostrorum, nec fascibus regiæ magnitudinis, nec cujuslibet terrenæ potestatis jugo subjiciantur iidem monachi ibidem congregati… »