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nefs, sont de véritables tribunes, parce que nous avons l’occasion ailleurs de signaler ces dispositions[1].

Au XIVe siècle, on éleva, dans l’intérieur de la cathédrale de Laon, trois tribunes sous les pignons de la façade occidentale et des deux bras de croix, pour étrésillonner les piliers des six tours qui flanquent ces pignons. Ces trois tribunes n’ont donc point une destination définie, c’est un moyen de consolidation utilisé. Elles consistent simplement en un arc bombé, avec voûte en arcs d’ogive bandée entre les piliers de la première travée. Pendant la seconde moitié du XVe siècle, une tribune fut élevée entre la première travée de la nef de la cathédrale d’Autun[2]. Cette tribune, destinée à porter un buffet d’orgues, est disposée sur un plan original, ainsi que le montre la figure 3, en A. Elle occupe un trapèze abcd, dont les angles b, c, sont contre-butés par les arcs bf, ce. La voûte, avec arcs ogives, tiercerets, liernes, etc., est compliquée et assez plate. C’est une construction bien conçue, si l’on a égard aux dispositions des piliers anciens que l’on prétendait ne pas modifier. On arrive au sol de la tribune par deux escaliers à vis anciens, qui, primitivement, donnaient accès à une sorte de loge extérieure, qui, vers la fin du XIIe siècle, fut remplacée par un beau porche[3]. La vue perspective de cette tribune en fait saisir la construction et le caractère. En B, est un des deux arcs-boutants qui maintiennent la poussée de la voûte, dont l’arc de tête bc est porté sur les deux clefs de jonction oblique b et c. Il y a là une combinaison très-simple dans son principe, dont on pourrait tirer un excellent parti. Les redents et poinçons avec liens courbes n’ajoutent rien à la solidité, et ne sont pas du meilleur style, appliqués à une construction de pierre.

Indépendamment de ces tribunes ouvertes, faites pour recevoir des chanteurs, des jeux d’orgues, ou un public privilégié, on pratiquait parfois, dans les églises abbatiales ou paroissiales, et surtout dans les chapelles de châteaux, de petites tribunes fermées, destinées à certains personnages. Cet usage devint fréquent pendant le XVe siècle. Les abbés ne descendaient plus au chœur et avaient leur tribune. Les seigneurs avaient aussi leur tribune spéciale, soit dans l’église paroissiale, soit dans leur propre chapelle.

Voici (fig. 4) une de ces petites tribunes closes, pratiquée dans le mur de face du bas côté de l’église abbatiale de Montivilliers (Seine-Inférieure). Cette église est romane ; mais, au XVe siècle, on rétablit un bas côté, dans le mur duquel est ménagée une tribune[4]. En A, est tracé le plan de la tribune avec l’escalier qui y conduit, et en B l’élévation sur

  1. Voyez Clocher, Porche.
  2. La construction de la cathédrale d’Autun remonte au XIIe siècle (voyez Cathédrale, fig. 27).
  3. Voyez Porche, fig. 12 et 13.
  4. Ces détails nous ont été fournis par M. Pratel, architecte au Havre.