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criquet

De temps à autre, elle sortait d’une boîte verte en fer-blanc pendue à son épaule un mouchoir grisâtre roulé en tampon et le passait sur son front humide ; ou bien, les mains à la taille, elle se balançait d’avant en arrière d’un mouvement rapide qui secouait la masse brillante de ses cheveux ébouriffés.

— Quel bonheur, faisait-elle avec un petit rire, quel bonheur d’être libérée de cette bande de toile qui me serrait les côtes et m’étouffait ! Aujourd’hui, pas de danger qu’on puisse rien deviner sous cette robe de bébé…

Pus, grave soudain :

— Que c’est bon d’être petite encore, de sauter dans le soleil, d’aller toute seule où ça vous chante… Bientôt peut-être…

Une angoisse lui pressa le cœur et vite, très vite, les yeux fermés, les poings serrés, elle reprit en détachant chaque syllabe, comme pour les enfoncer :

— Ô Marie con-çue sans pé-ché…

Mais brusquement :

— Non, ce n’est pas la peine ; si la Sainte Vierge m’entend, elle ne m’exaucera pas ; je n’ai point de ferveur, j’ai perdu la grâce… Mon cœur ne bouge plus : pourtant, autrefois, j’étais pieuse…

Des moucherons en colonnes transparentes tournaient autour de Criquet avec de menus bourdonnements ; elle souffla, secouant la tête pour les écarter.

Avait-elle été pieuse, vraiment ? Toute petite, elle