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criquet

nant ; dehors, le grand noir ; devant l’autel, des figures levées et blanches, des mains jointes dressées en pointe, comme pour défendre ou pour écarter… Sauver la France ? De qui ? Pourquoi ? L’Ogre ou le Loup allaient-ils sortir du Noir, sauter dans la maison ? Criquet avait saisi la main de Suzanne, les yeux élargis, sanglotant de terreur : « C’est un petit ange ! » avait déclaré tante Éléonore en la serrant sur la broche d’acier qui hérissait sa poitrine.

Mas voici la première communion, hier dirait-on, trois ans déjà ! Trois ans, l’âge d’un petit enfant qui parle et trotte !

Le matin du grand jour, elle s’était laissée vêtir, les mains détendues, le regard absent ; sur son lit, des étoffes blanches et légères s’allongeaient comme les nuages en été ; on l’entourait, on l’embrassait, des mains attendries frôlaient ses cheveux, son cou, son front. Elle entendait : « On dirait une petite sainte. Non, une mariée… Un peu pâle… Tu n’es pas malade. Camille ? »

Personne ne l’appelait Criquet. Miss Winnie elle-même lui souriait, et la femme de chambre en larmes lui avait dit en lui baisant la main : « Vous prierez pour moi, mademoiselle ? » Elle répondait à peine, se tenant un peu raide dans ses voiles empesés, les cils joints pour écouter battre son cœur. Elle savait que les cœurs sont rouges, mais elle voyait le sien blanc et rond comme une petite chapelle de mai.