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criquet

— Il sera officier…

— S’il est reçu à Sant-Cyr… Et après ? Un sous-lieutenant, la belle affaire ! On ne se marie pas avant d’être lieutenant…

— Eh bien, tu l’attendras… En Angleterre, on est fiancé dix ans, quinze… Demande à miss Winnie !

— Nous sommes en France, Criquet, et tu n’es qu’une petite fille, conclut Suzanne d’un air raisonnable, en nouant sa ceinture rose.

Criquet se sentait comme devant un mur brillant et lisse. Elle voyait fondre son courage et son espoir.

— Oh ! Suzanne, implora-t-elle, il a tant de chagrin… Si tu l’avais vu !

— Ça passera, sois tranquille ; il m’oubliera bien vite et il pleurera pour d’autres. Jacques est fait pour pleurer…, ajouta-t-elle avec un peu de mépris.

Elle secoua une houppette qui répandit un petit nuage odorant et, les lèvres serrées, le nez en avant, se la passa délicatement sur le visage.

Criquet, lasse, indignée, regardait sa sœur.

— Alors, je remporte la lettre, dit-elle d’un air boudeur.

— Quelle lettre ?

— Une lettre du pauvre Jacques.

— Tu me l’apportais ? Oh ! Criquet, si miss Winnie le savait.

— C’est pour cela que je la remporte.

Elle s’en allait le dos rond, la tête basse.