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criquet

bon : des héliotropes, des résédas, des œillets. Mais les plus vieilles seulement, celles qui vont mourir.

Les deux petits s’envolent avec des cris aigres. Le parfum est vite composé : on dispose les fleurs en couches pressées dans le flacon, on ajoute de l’eau, on ferme avec un tampon de papier et on enterre le tout dans un massif humide.

— Il ne faudra pas y toucher avant une semaine, prononce Criquet, d’un ton doctoral.

— Une semaine, que c’est long ! soupire Marc, en sautant sur un pied.

— Oui, mais ce sera si amusant d’ouvrir la bouteille ! ajoute Maurice.

— Savoir ce que ça sentira ?

— Le réséda, j’en ai mis plus.

— Ou l’héliotrope, c’est la fleur qui a la plus forte odeur.

— En tout cas, on n’aura plus besoin d’aller voler du parfum dans les belles bouteilles de maman.

— C’est nous qui lui en donnerons.

— Et à Suzanne aussi !

Criquet sourit d’un air indulgent et désabusé. Elle a connu les mêmes impatiences, les mêmes espoirs. Pendant toute la semaine d’attente elle rôdait autrefois autour du massif interdit, louchant vers le flacon merveilleux. Puis venait le moment décisif :

« Je m’en souviens, pense-t-elle ; le matin, les yeux à peine ouverts, Je me disais : C’est aujourd’hui.