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son livre. D’ailleurs, même si elle voulait bien les écouter, que pourrait-elle aux maux de sa fille ? Criquet savait maintenant que chacun garde les siens.

Elle imagina le tressaillement du visage blême, le regard d’impuissance et d’effroi des yeux fatigués. Pour la première fois, elle sut sacrifier un désir, se taire quand elle aurait voulu parler. Elle se renversa le long de sa mère, posa sa tête dans les plis de la robe, mit ses lèvres sur la main couleur d’ivoire et dit d’une voix profonde :

— Je t’aime bien plus, maman…

Et quand un instant plus tard, madame Dayrolles qui n’avait pas semblé entendre, murmura avec un peu d’humeur :

— Comme tu es lourde, Criquet…

Elle s’en alla tout simplement, sur la pointe des pieds, sans protestation ni rancune.


Le jour du départ vint. Camille qui l’avait désiré ressentit tout à coup un chagrin violent. Elle voulut revoir une fois encore tout ce pays qu’elle aimait. Elle courut sur la lande dont les ors et les mauves se rouillaient, sur les rochers, dans les flaques où rien ne bougeait plus, comme si déjà s’étendait le silence de l’hiver.

Elle vit la plage d’où les cabines et les tentes bigarrées avaient disparu, tandis que les gros oiseaux blancs et bruns s’y assemblaient en troupes ; ils