Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
criquet

— C’est vous, mère Sainte ? demanda-t-elle. Je viens vous dire au revoir. Nous partons tout à l’heure, ajouta-t-elle d’un ton plaintif.

La vieille approcha en se tenant les reins ; son menton s’agitait de droite à gauche comme si elle mâchait une perpétuelle bouchée, une larme de tabac coulait sous son nez et ses yeux bordés de rouge clignotaient.

— Alors, vous voilà pour partir ? fit-elle paisiblement. Ah bien, à l’année prochaine, à l’année prochaine, on se reverra toujours…

« C’est drôle, pensait Criquet, elle est si vieille et elle n’a pas aussi peur que moi de l’avenir… »

Elle remonta lentement dans sa chambre en caressant les parois de l’escalier où déjà suintaient des larmes d’hiver, vit le lit et ses couvertures pliées, comme un corps rigide sous la courtepointe, les armoires vides dont les portes bâillaient, les murs qui semblaient plus blancs et plus froids d’être abandonnés. Dans un coin gisaient des boîtes de carton dont le couvercle était percé de trous ; Camille les ouvrit, mania un instant avec sollicitude les carabes bruns, les bousiers bleus, les jardinières aux longues pattes rouges, tous les insectes, ses disciples, puis, par la fenêtre, elle les lança un à un dans un massif.

— Vous ne me regretterez pas, vous non plus, leur dit-elle.