Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
criquet

Camille s’assit en face d’un guéridon couvert de journaux de modes et de gravures où des femmes polychromes, la taille sous les seins et la jupe aux chevilles évoluaient sur des jambes démesurées.

— Elles sont belles, les dames, dis ? souffla l’un des enfants avec admiration.

— Belles ? Je n’en ai jamais vu de pareilles, répondit Criquet, irritée ; on dirait des champignons poussés à l’ombre, avec une large tête, une queue mince et haute à n’en plus finir. On nous apprend au cours de dessin qu’il faut sept à huit longueurs de tête pour faire un corps. Ces bonnes femmes en ont au moins quinze. C’est trop bête, aussi, les couturières et les journaux de modes et tout !

Par une porte entre-bâillée s’échappaient des chuchotements, des rires étouffés et le ronflement de la machine à coudre. Quand l’un des enfants s’approcha, on entendit un bouquet de cris joyeux : — Oh ! cet amour ! — Qu’il est frisé ! — Et ces lèvres, c’est-y du vrai rose ? — Fais-toi faire le pareil, Amélie !

Mais mademoiselle Petitemanche, la couturière, se glissait sans bruit dans la pièce. C’était une toute petite vieille fille, plate et guindée, toujours vêtue de noir et dont le corsage monacal était bardé d’épingles perpétuelles. Elle parlait, les yeux baissés, d’une voix douce et sans inflexion, décrivant une toilette destinée à miss Winnie, qui écoutait la bouche ouverte au-dessus de son long menton. Mademoiselle