Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
criquet

le vieux gardien vêtu de vert courait derrière ces galopins en brandissant sa petite canne noire. Un jour il l’avait lancée dans les jambes de Camille qui s’était enfuie en l’emportant et le soir l’avait suspendue comme un trophée au mur de sa chambre.

Il venait justement de passer près d’elle, voûté, les mains derrière le dos, indifférent et placide. Et Camille se rappelait les regards de fureur qu’il lui lançait naguère, des regards qui la consacraient aux yeux de ses soldats.

Debout près de la pelouse, elle contemplait, mélancolique, une statue de moissonneur qui, courbé sur sa faucille, coupait éternellement une gerbe de bronze.

« Ce qu’il doit être fatigué ! » se disait-elle.

Entre les bouquets d’arbres s’arrondissaient des tas de feuilles brunes qui sentaient l’odeur des caves d’été. De petites roses rouges, un peu rouillées, inclinaient avec une grâce maladive leurs têtes lourdes de pluie. Des merles gras sautaient pesamment sur la terre humide qu’ils piquetaient de leur bec jaune. Des pigeons ramiers qui s’étaient avancés vers Criquet et la guettaient de profil, le cou tendu, avec leurs yeux de porcelaine, ne voyant pas venir les miettes espérées, tournaient en roucoulant sur leur queue en éventail, tandis que leur gorge irisée se gonflait de colère. Puis ils s’envolèrent tous ensemble avec un claquement de leurs ailes métalliques, se posèrent sur la