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criquet

a un châle à franges qui lui descend jusqu’aux talons, comme les dames de province.

Criquet rit, toute contente, fait trois tours à cloche-pied autour de la table, s’assied, se renverse sur sa chaise, saisit à deux mains le rebord de la table et se balance si fort que ses cheveux pendent jusqu’au tapis. Mais dans le cortège en deuil, elle aperçoit tout à coup le pauvre visage de maman. Sa joie s’apaise, et, un peu essoufflée, elle retombe enfin en face de son dictionnaire.

La version n’a guère avancé. C’est du Cicéron. Quel texte serré, bourré ! Quelles phrases longues et lourdes ! On dirait une maison sans fenêtres. Décidément le latin est désagréable à regarder. Il n’y a pas d’accents et les accents sont les papillons des pages, des petites bêtes ailées qui vivent, volent et se posent sur les mots.

Autrefois, cela amusait un peu Criquet de découvrir le sens de ces grands mots grognons. Elle les comparait à des chevaliers masqués, comme on en trouve dans Quentin Durward et dans Ivanohe. Ils s’enfuyaient à pas lourds et sonores et elle les poursuivait pour leur arracher leur casque de fer. Quels yeux féroces ou souriants allait-elle trouver sous la visière ? Maintenant ils ne sont plus pour elle que des mots comme les autres. Et dans les versions, il s’agit uniquement des hommes, des actions, des guerres et des procès des hommes.