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s’essuyant les mains. Les jeunes gens appuyés contre le mur ou groupés au milieu de la pièce démeublée, passent leur mouchoir sur leur visage et d’un geste furtif tirent leur gilet. L’un d’eux, long et dégingandé, heurte du front le lustre qui tinte tandis que les jeunes filles poussent de petits cris niais et pentus :

— Oh ! Monsieur Gaston !

— Voilà ce que c’est de vouloir être le plus grand !

— Vous irez bientôt vous cogner à la lune…

Elles sont assises en demi-cercle, serrées, comme dans leur boîte, des bonbons fondants blancs, roses, mauves ; un peu essoufflées, elles relèvent avec une épingle mousse une mèche envolée, tapotent leur jupe, assurent une fleur, font bouffer une dentelle, ou s’éventent, penchées vers leur voisine pour chuchoter, avec des gestes tendres, des sourires mutins, un secret frivole qui souligne la grâce de la taille inclinée ou du bras arrondi. Mais causant, s’éventant, s’ajustant, toutes, d’un clin d’œil qui met au bord de leurs cils un éclair d’argent, cherchent le regard des jeunes hommes debout en face d’elles, et si elles le rencontrent, rient très fort en renversant la tête,

« En voilà des histoires ! » se dit Criquet, agacée.

Elle les considère avec surprise. Ce sont donc les mêmes filles qui, l’an dernier, avaient les cheveux noués d’un ruban sur la nuque, des tailles plates et des gestes brusques ? L’une d’elles surtout s’est trans-