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criquet

conté tes petits chagrins ; ensuite, j’ai oublié. Tu étais triste, cet hiver… Une seconde, je le voyais, j’y pensais, et puis, et puis les soucis me reprenaient, la vie, l’horrible vie… La vie… Ah ! ma petite, ma petite, on ne s’aime pas assez, on ne s’aime jamais assez !…

Il l’approchait de lui, étreignant ses mains, enlaçant sa taille ; il parcourait son visage de ses yeux fiévreux, tout à coup il lui inclina la tête, elle sentit sur sa joue des lèvres chaudes et dures. Elle était un peu surprise ; elle avait peine à reconnaitre ce père brusque, gai, aux paroles brèves, autoritaires, et une honte, une sorte de pudeur invincible, la tenait droite, raide, presque maussade, sous ces marques de tendresse inaccoutumée.

Quand sa mère entra, Camille ne remarqua pas davantage la fatigue anxieuse de ses traits tirés, ni les marbrures rouges sur les joues de Suzanne, ni l’éclat humide des regards bleus, ni le pauvre sourire contraint…

On lui dit :

— Il faut t’en aller, Camille…

Une seconde, elle fut serrée contre la poitrine haletante, entre les bras où elle se blottissait naguère avec tant de confiance, et dont l’étreinte était maintenant faible et tremblante. Elle dit :

— À bientôt, papa, dans quelques jours…

Elle fit avant de sortir, un signe de sa main repliée,