Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
criquet

femme, la tête entre ses bras, le dos agité de tressaillements.

Ce ne fut qu’un éclair : une infirmière arrivait, fermait la porte et disait d’un ton sévère :

— Il ne faut pas stationner dans les couloirs, mademoiselle, ces messieurs le défendent. Justement, un malade vient d’avoir une crise.

Criquet s’était sauvée, avait revu en bas le vestibule orné de plantes vertes, le groom rieur, le salon ensoleillé, la vieille dame paisible, elle avait respiré l’odeur des azalées, écouté le gazouillis des oisillons aux couleurs vives dans leurs cages à barreaux d’or, elle s’était efforcée d’oublier… Mais une impression de malaise et de terreur lui était demeurée de cette vision. Que se passe-t-il là-bas, en ce moment même ?

Madame Dayrelles et miss Winnie étaient restées à la maison d’opération. Les deux garçons jouaient à la toupie dans l’antichambre ; on entendait le sifflement de la corde, le bruit aigu de la toupie mordant sur le plancher, puis un bourdonnement sonore. « Cela rappelle les batteuses de l’île Aulivain, en septembre », pensa Criquet.

Et de nouveau, elle éprouva la piqûre de l’angoisse. Son père serait-il plus malade qu’elle ne l’avait cru ? Suzanne, en face d’elle, tenait sa broderie sur ses genoux, mais on ne voyait pas bouger l’aiguille. Elle levait la tête, tirait sa montre, respirait fort, la