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criquet

— Miss Winnie ! miss Winmie ! supplia-t-elle. Non ? non ?… Je ne veux pas ! je ne veux pas !

— Mon enfant, ma pauvre enfant !

Alors, on entendit un cri terrible. Le corps mince de Suzanne frémit, se crispa ; elle arracha d’un seul coup les deux bracelets d’or de ses poignets et les lança contre le mur où ils tintèrent ; puis, elle ondula, tourna plusieurs fois sur elle-même en secouant la tête ; ses cheveux se répandirent autour d’elle, et elle s’abattit toute raide entre les bras de l’institutrice.

Camille, debout près du piano, les yeux et le cœur immobiles, voyait tout cela. Elle ne pouvait pas, ne voulait pas comprendre. Un grand froid pénétrait dans ses veines, et la scène qui se déroulait devant elle s’imprimait pour toujours dans son cerveau, sans que, par une parole ou par un geste, elle pût en témoigner. Elle sentit qu’elle s’affaissait entre le canapé et le piano, sa place favorite ; elle sut que ses deux mains étaient comme soudées l’une à l’autre, sa langue desséchée, ses dents contractées. Ce fut tout. Et elle continuait à voir.

Miss Winnie avait emporté Suzanne. Les deux garçons étaient entrés ; l’un d’eux pleurait tout haut en tenant sa toupie serrée contre sa poitrine ; l’autre, l’air stupéfait, demandait à Louise :

— Ce n’est pas vrai que papa est mort ?

La cuisinière arrivait, et après s’être essuyé les