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Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/41

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criquet

« C’était ça, songe-t-elle, dont tante Éléonore voulait parler la veille, qui était inconvenant et se voyait sous son jersey : c’était ça qui l’avait gênée pour sauter. Elle avait bien senti qu’elle était plus lourde…

Ça ! Des images confuses passaient tour à tour dans son esprit.

Il y avait longtemps : un matin gris, dans une chambre encombrée de linges, de flacons, de bouillottes, Camille examinait avec surprise une petite chose informe et rouge, étendue sur un oreiller, tordant une bouche baveuse et des doigts menus, — un de ses frères jumeaux, nés la veille.

Tante Éléonore s’agitait autour d’une femme au visage épais, affalée sur un siège bas, le corsage ouvert :

— Ce petit est trop faible pour faire monter le lait, gémissait-elle. Il ne peut pas boire… Pressez donc, Nounou, vous êtes là comme une borne… Rien ne vient ? Que faire, mon Dieu ?

Tout à coup, avisant la fillette :

— Une idée ! Criquet va d’abord téter la nounou…

Et comme celle-ci la regardait, les lèvres crispées de dégoût :

— Comment ! Tu hésites à faire un sacrifice pour ce pauvre petit ange ? Allons ! du courage… Offre-le à la Sainte-Vierge…

Elle avait fermé les yeux, comme pour avaler la