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criquet

« Miss Winnie ne m’aime pas, pensait Criquet, en édifiant péniblement en pyramide les petits carrés de papier d’argent. Elle a toujours l’air de craindre que je ne la morde… Je ne sais trop qui m’aime : maman semble avoir un peu peur de moi et on la voit si peu, maman ! Pour tante Éléonore, je suis un monstre… Quant à Suzanne, elle est bien gentille pour moi, mais comme elle est gentille pour tout le monde, cela ne compte pas beaucoup. Alors, il reste Michel, et encore nous ne sommes plus amis comme autrefois. Oh ! Et papa que j’oubliais ! Il m’aime, lui, j’en suis sûre ! Seulement il est trop souvent en voyage. Combien de jours avant qu’il vienne nous rejoindre ? Plus que huit ! Que je suis contente ! »

Criquet sursauta de joie sur sa chaise. Elle décroisa les jambes et, selon son geste coutumier, se rejeta vivement en arrière, les deux mains derrière la nuque. Ce fut un désastre : l’aiguillée de soie rouge suivit le mouvement, mais la feuille de papier bristol s’arrêta contre le dossier de la chaise, se tendit, céda et tomba par terre.

— Oh ! fit Criquet en considérant avec effroi la pyramide d’argent dansant au bout du fil rouge. Ça casse donc comme du verre !

Elle se jeta à quatre pattes, ramassa la feuille de papier bristol, constata qu’elle portait au flanc une irréparable blessure et balbutia quelques phrases indistinctes.