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criquet

La jeune fille glissa jusqu’à la porte en balançant sa jupe bleu pâle, se retourna, sûre des regards heureux qui la suivaient, envoya du bout des doigts un petit baiser triomphant et disparut dans un rayon.

Miss Winnie continua longtemps à contempler la porte.

« Ce n’est pas malin pour Suzanne d’être bonne et de se faire aimer, songeait Criquet, avec un peu d’envie ; dès qu’elle entre, sa figure fait clair et frais comme de la porcelaine et tout le monde a envie de l’embrasser. Si je lui ressemblais, je supporterais presque d’être une fille… »

Puis voyant le profil de son institutrice toujours détendu :

— Voulez-vous faire un échange, miss Winnie, proposa-t-elle d’un air engageant. J’ai encore un quart d’heure de couture à finir, pas vrai ? Eh bien, je vous offre à la place une demi-heure d’anglais. Je traduirai oh ! tout ce que vous voudrez, même cette espèce de petit poète bossu que vous aimez tant et qui est si ennuyeux !

Miss Winnie reprit sa pose assyrienne et prononça :

— Vous coudrez encore pour un quart d’heure… Et Pope il est le plus grand homme des poêtes…

Un silence. Il commence à faire très chaud. Les mains de Criquet sont humides et l’aiguille crisse. Elle a mal entre les épaules, ses cheveux lui agacent les cils ; une mouche bleue, l’aile prise dans le rideau