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criquet

— Je voudrais tant te ressembler, papa ! s’écrie-t-elle avec admiration. Et voilà que je ressemble à maman. De toi, je n’ai que les yeux et les cheveux. Et encore mes yeux sont plus verts et mes cheveux plus rouges…

M. Dayrolles tourne vers la fillette son visage coloré, aux traits larges :

— Plains-toi donc ! Ta mère est cent fois mieux, certes, que tu ne le seras jamais…

— Je sais bien, papa ; tout de même, j’aimerais mieux te ressembler… parce que tu es un homme…

— Qu’est-ce que tu bafouilles ?

— Oui, les hommes, c’est fort, c’est brave, c’est noble !

— Ah ! Tu crois ça ? Tu as encore des illusions à perdre, mon pauvre petit !

Mais M. Dayrolles n’aime pas les développements inutiles. Il se contente de hausser doucement les épaules, jette un coup d’œil rapide vers le ciel, abaisse son béret du côté de la mer où s’élève déjà l’aigre bise du matin et se met à siffler une marche alerte.

Criquet recule, un petit froid au cœur : elle court, saute, grimpe aux arbres aussi bien qu’un garçon, certes, mais jamais elle n’a pu apprendre à siffler. Avec une patience tenace, elle a allongé, rentré, arrondi les lèvres, roulé sa langue en boule, en cornet, en entonnoir, rien n’est sorti qu’un misérable