gamin poussait une petite femme qu’il ne connaissait guère, qui chaque jour lui deviendrait plus impénétrable, séparée de lui par son cœur et son corps différents.
« Ses chagrins d’enfant sont finis, pensait-il, elle en aura d’autres que je ne pourrai pas, que je ne saurai pas consoler. Les filles ont des secrets pour leurs pères. »
« Il m’aidait à marcher, à sauter des flaques quand j’étais petite, se disait Criquet ; il me prenait dans ses bras, contre sa poitrine, lorsque j’avais peur ou que j’avais mal. »
Et tous deux continuaient à se contempler, elle, avec une confiance abandonnée, lui, avec une tendresse un peu mélancolique.
Enfin, d’un ton qui implorait :
— Je sens que tu vas m’aider, mon petit papa ; c’est promis ? s’écria-t-elle.
Il se ressaisit alors. Comment s’être laissé émouvoir par des balivernes de gosse, lui, un homme sérieux ? Il avait certes d’autres sujets de souci ! Il dégagea sa main, ferma un bouton de sa pèlerine, souffla dans ses moustaches pour en chasser les bulles d’eau, et répondit :
— T’aider ? À quoi et comment ? Tu es une fille, ma pauvre enfant, c’est fâcheux, mais que veux-tu que j’y fasse ?
— Beaucoup, papa, tu peux beaucoup y faire ! J’ai