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criquet

Tout à coup quelque chose de mollasse et de glacé heurte sa jambe nue. Elle se redresse, malgré son dos et ses bras raidis, et relève son capuchon. Tout bouge autour d’elle et comme il fait clair ! Sa figure est moite, un large sillon traverse sa joue meurtrie. Son père, assis en face d’elle, la regarde avec un rire malicieux qui retrousse sa moustache épaisse.

— Eh bien, l’aspirant de marine, c’est comme ça qu’on fait son quart ? Tu as dormi trois heures et les congres sont à tes pieds ! Pends-toi, brave Criquet !…

Quelle honte ! Avoir éprouvé tant d’espoir, tant de crainte, tant de peine et dormir comme un bambin qui s’est levé trop tôt !

Camille feint un vif intérêt pour la pêche. Le Bihan est accroupi au fond de la barque dans un enchevêtrement de serpents au corps onduleux et gluant. Il les saisit, les maintient solidement, le genou sur la gorge, scie la tête qu’il jette à la mer, lance le corps dans un vivier plein d’eau à l’arrière de la barque et essuie sur son pantalon de toile fauve le couteau plein d’écailles et de sang.

— C’est des mauvaises bêtes, répond-il au regard écœuré de la fillette ; ça vous coupe le doigt comme une cisaille.

Il passe ses manches l’une après l’autre sur son nez aigu, laisse pendre ses grosses mains souillées et renifle longuement.

— Je n’aime pas beaucoup les congres, accorde