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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

Ils avaient si faim qu’ils étaient aussi muets et discrets qu’ils avaient été tapageurs la nuit précédente. D’ailleurs Christine, pensive, donnait l’exemple de la réserve, ne rompant le silence que pour échanger quelques propos avec le danneman qui lui avait donné la présidence du repas et s’était assis à son côté, tandis que ses filles assuraient le service.

À peine y eut-il quelques cris de « Vive la reine ! », « Vive le danneman et ses filles ! » quand apparut le beau gâteau de Noël, de pure farine de froment, avec ses tours et ses clochetons de sucre candi.

— Et tu dis, danneman, que l’ours est dans sa tanière ? demanda Christine.

— Il y était ce matin. C’est un des plus grands que j’aie jamais vus, et il doit être assez féroce car c’est un ildgiersdiur, un malin, qui se nourrit de viande. Il y avait encore, au fond de la grotte, sa femme l’ourse, un peu plus petite que lui, et deux oursons à la fourrure brun clair, presque dorée, pas plus gros que des chiens.

— Messieurs, dit alors la reine en s’adressant aux six jeunes hommes, il est temps de songer au départ. Mais nous allons d’abord tirer au sort, pour savoir lequel d’entre vous sera chargé d’attaquer ce roi de la montagne. J’ai là, dans ma main, six aiguilles de pin ; la plus courte désignera le combattant. Chacun d’eux choisit une des aiguilles qu’ils comparèrent ensuite.

— C’est moi ! cria Magnus, rayonnant.

— Encore lui !

— Toujours lui !

— Trop de chance, Comte, grogna Charles-Gustave. Cela finira mal.

Il était fort rouge et semblait très dépité. Erick, au contraire, poussa un soupir de soulagement tandis qu’Ebba, qui saisit furtivement la main de Jacob, ne cachait pas sa joie.

Quant à Christine, elle se rapprocha de la fenêtre et sembla se perdre dans la contemplation des prairies en pente, éclatantes comme de pâles émeraudes, sous la poudre du givre, et des torrents glacés suspendus aux rocs comme des colliers de cristal. Lorsqu’elle se retourna, une ombre d’inquiétude voilait ses yeux :