XV
Christine et Ebba, tendrement enlacées dans le petit salon assombri du château d’Upsal, venaient d’évoquer ces jours heureux de leur première jeunesse, là-bas au bord du lac Moelar.
— Vous souvenez-vous du retour à Stockholm ? fit Ebba. Si différent de notre départ d’écoliers en vacances ! Erick Oxenstiern plus jaune et plus gourmé que jamais, semblait avoir avalé du vinaigre.
— Et Charles-Gustave ! Ses sourcils pleureurs, ses bajoues fripées, sa grosse lippe rouge qui tremblait !
— Quant à Jacob et moi, nous filions très doux. Assurés de notre mutuel amour, nous pensions au mariage. J’avais osé vous en toucher un mot. Quelle explosion ! « Je refuse mon consentement ! vous étiez-vous écriée. Que ton Jacob s’en aille au diable ! »
— Tu avais mal choisi ton moment, Ebba. Je venais de m’apercevoir que j’aimais Magnus.
— Nous nous en étions tous aperçu avant vous, Christine, même avant la scène de l’ours. Magnus lui-même n’en doutait pas. Quelle allégresse triomphante sous son humilité de commande ! Chacun de nous se demandait : « Pourra-t-elle, voudra-t-elle l’épouser ? Préférera-t-elle en faire son favori ? »