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Page:Viollis - Le secret de la reine Christine, 1944.djvu/86

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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

avec ces géants suédois dont les membres mal équarris, mal ajustés, semblent n’obéir qu’à regret ! Comme on devinait son origine française !

Le jeune homme s’était, au côté d’Ebba, agenouillé devant Christine. Elle put voir de tout près le visage à la peau vermeille, les traits fermes, les yeux d’un bleu de pervenche frangés de cils singulièrement noirs, la bouche aux lèvres, charnues d’un rouge de géranium, entr’ouverte sur des dents larges et blanches comme des amandes fraîches. Mais elle vit surtout passer en vagues successives sur ce beau visage la crainte, la pitié, l’espoir, la joie, et son cœur tressaillit.

Il prit son pouls, ouvrit le vêtement de fourrure, posa sur la gorge ambrée une tête soyeuse dont les cheveux blonds fleuraient un étrange parfum oriental : l’ambre ou la myrrhe ?

— Ne vous inquiétez pas, dit-il en se relevant à la sanglotante Ebba, ce ne sera rien…

Quelle voix de métal et de velours !

Puis se penchant sur le corps étendu, il le souleva aussi aisément que celui d’un enfant, et se mit à courir vers le château. Pour la première fois, l’orgueilleuse Christine s’abandonnait avec confiance, blottie entre ces bras forts, sur cette poitrine dont elle entendait le cœur battre à coups précipités. Comme c’est bon parfois d’être faible ! Comme elle se sentait protégée, à l’abri de tout ! Une étrange chaleur la pénétrait peu à peu jusqu’aux moelles, passait en ondes à travers ses membres jusqu’à l’extrémité de ses doigts, de ses pieds. Oh ! si cet instant pouvait ne jamais finir.

Quelques instants plus tard, Christine lavée, pansée, enveloppée dans une longue robe de velours bleu pâle, un verre de cordial entre les mains, reposait dans un petit salon, sur une couche aux coussins de tapisserie armoriée, lorsque son sauveteur qu’elle avait fait mander entra, un peu hésitant. Il mit genou en terre, au pied de la couche :

— Ah ! Madame, dit-il de sa voix chaude, excuserez-vous jamais mon inconvenance ? Mais pouvais-je deviner, dans ce beau jouvenceau privé de sentiment, la souveraine de Suède et la mienne, celle