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I


Maître Goefle, orfèvre de la Cour et bourgeois notable, passa une tête aux joues rubicondes par la plus haute fenêtre de sa maison rouge et blanche, regarda le ciel et soupira :

— Trop beau temps pour un jour de deuil !

C’était le seizième jour du mois de juin 1654, à Upsal, la grande ville universitaire du royaume de Suède, célèbre dans tout le monde savant.

Il était à peine sept heures du matin, un matin frais et doré. Le jeune soleil illuminait la magnifique cathédrale dont les tours gothiques, d’après le modèle de Notre-Dame de Paris, se détachaient sur le ciel transparent et pur, d’un bleu italien, paradoxal dans cette cité du Nord ; il caressait la masse trapue et les austères donjons du Château royal qu’habita Gustave Vasa, fondateur de la dynastie, et où il voulut, comme ses successeurs, être couronné et inhumé ; il colorait gaiement les visages et les vêtements de gala, de la foule dont le flux, malgré l’heure matinale, déferlait sur le terre-plein et venait battre le pied des vieux murs.

Foule bigarrée, disparate, formée, semblait-il, de tous les éléments de la nation. Seigneurs bottés, aux vastes feutres ornés de plumes, aux justaucorps de velours et de soie, le poing sur la garde de leur épée ; bourgeois vêtus de drap solide, une chaîne d’or ou d’argent massif au cou, hommes d’Église au maintien compassé, paysans en casaques de futaine, les cheveux coupés en carré sous le bonnet de