Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/135

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Soudain paraît, ô douleur ! la fille de Priam, l’infortunée Cassandre, arrachée, les cheveux épars, du sanctuaire de Minerve, et levant inutilement au ciel ses yeux enflammés de courroux, ses yeux… ! car des fers chargeaient ses mains virginales. À ce spectacle, Corèbe hors de lui-même ne peut contenir ses transports : il se précipite au milieu des lâches ravisseurs, il défie leur rage et la mort. Sa fougue nous entraîne, et notre furie se fait jour dans l’épais bataillon. Là commencent nos misères. Abusés par nos armures nouvelles et nos panaches mensongers, les Troyens, du haut du temple, font pleuvoir sur nos têtes une grêle de traits, et font dans nos rangs un affreux carnage. En même temps les Grecs, frémissant de leur défaite, et brûlant de ressaisir leur captive, les Grecs se rallient, et nous enveloppent de toutes parts. Sur nous fondent à la fois l’ardent Ajax, et l’un et l’autre Atride, et l’innombrable essaim des Dolopes. Tels parfois soufflant la tempête dans leur course opposée, le Zéphyre et l’Auster, et l’Eurus enfant de l’Aurore, font retentir les airs de leurs chocs bruyans : les forêts ébranlées mugissent : Neptune, de son trident, bat les ondes écumantes, et bouleverse les mers dans leurs profonds abîmes. Ceux même dont nos ruses triomphèrent à la faveur des ombres, et que la crainte dispersa devant nous dans la nuit ténébreuse, reparaissent à l’improviste : ils reconnaissent bientôt l’imposture de nos armes, et l’accent d’un Phrygien sous le casque d’un Grec. Le nombre aussitôt nous accable. Corèbe avant tous, atteint par Pénélée, succombe aux pieds des autels de la redoutable Pallas.