Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/163

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sur ma tête, ni le choc de Grecs conjurés, maintenant je tremble au moindre bruit ; un souffle m’épouvante ; je crains à la fois, et pour celui que je porte et pour ceux qui m’accompagnent. Bientôt je touchais aux portes : j’allais franchir le dernier obstacle ; je me croyais vainqueur, quand tout à coup arrive à mon oreille le bruit lointain d’une marche accélérée. Au même instant, mon père, dont l’œil perçait dans l’épaisseur des ombon épouse, ô cres, mon père s’est écrié : « Fuyons, mon fils, fuyons ; les voilà qui s’approchent ! je vois reluire les boucliers, je vois briller les dards. » Dans ce moment de trouble, sans doute un démon jaloux confondit mes pensées, et m’ôta la raison. Tandis que la frayeur m’entraîne loin des sentiers connus, et précipite ma course par des circuits ignorés ; moup affreux du sort ! Créuse, hélas ! est ravie à mon amour. S’égara-t-elle dans les ténèbres ? ne put-elle suffire à la fatigue du chemin ? je ne sais ; mais le ciel ne la montra plus à mes yeux. Je ne m’aperçus de sa perte, je ne repris mes sens, qu’après avoir atteint les hauteurs, où l’antique Cérès voit dominer son monument. Là tous enfin sont rassemblés ; seule, Créuse est absente, et manque aux vœux déçus d’un fils et d’un époux. Qui des dieux, qui des hommes, n’accusai-je pas dans mon délire ? Que pouvait Pergame expirante m’offrir de plus cruel ?

Je recommande aux guerriers de ma suite et mon fils, et mon père, et les dieux de ma patrie : moi-même, je les cache dans les replis d’un vallon tortueux ; et retournant vers Troie, ceint d’une armure étincelante, je veux affronter de nouveau tous les