Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/179

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un terme à nos courses ! Ne refuse point à nos vœux une postérité glorieuse, des murs qui triomphent du temps ! Protège une seconde Troie, échappée aux fureurs des Grecs et de l’impitoyable Achille ! Quel signe doit nous conduire ? Quels pays nouveaux nous appellent ? Où fonder nos demeures ? Père du jour, fais parler tes oracles, et pénètre nos âmes de ta divinité ! »

Telle était ma prière. Soudain tout s’ébranle à la fois, et les portiques du temple, et les lauriers du dieu ; les vastes flancs de la montagne frémissent autour de nous, le sanctuaire s’ouvre, le trépied mugit. Nos fronts se courbent dans la poussière, et de l’antre sacré part une voix prophétique : « Race belliqueuse de Dardanus, le sol où fleurit autrefois la tige de vos aïeux doit en voir les rejetons couvrir encore son sein fertile. Cherchez la terre qui nourrit vos ancêtres. Là régneront sur l’univers les descendans d’Énée, les fils de leurs fils, et leurs derniers neveux. »

Ainsi s’explique l’Immortel. Une joie subite, une joie bruyante éclate dans nos rangs ; on se demande quelle est cette antique patrie, quels climats Phébus désigne à nos restes fugitifs, quels lieux attendent notre retour. Alors mon père, recueillant dans sa pensée les traditions des vieux âges : « Écoutez, généreux chefs des Troyens, dit-il, et connaissez vos espérances. Au milieu des mers est une île fameuse, la Crète, où naquit le grand Jupiter, où domine un autre Ida, berceau de nos premiers parens. Cent villes florissantes en composent l’opulent