Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/207

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Mais quand tes vaisseaux auront franchi ces parages, arrivé sur des bords paisibles, dresse un autel aux dieux, et rends-y grâces à leurs bontés. Qu’un tissu de pourpre voile alors ton visage, de peur qu’au milieu des flammes allumées en l’honneur des Immortels, quelque objet funeste ne souille tes regards, et ne trouble les auspices. Que ton peuple observe, durant les saints mystères, cet usage religieux ; sois fidèle à l’observer toi-même, et que tes pieux descendans ne s’écartent jamais de ce rit solennel.

« Dès que l’Eurus, enflant tes voiles, t’aura poussé vers l’île de Cérès, et que les bouches du Pélore s’élargiront devant toi, suis les bords de la gauche et les longs détours qu’y présente l’immensité des eaux ; fuis la droite et les courans perfides. Ces lieux, dit-on, bouleversés autrefois par le choc des tempêtes et le conflit des élémens, se détachèrent un jour avec un horrible fracas : tant la durée des âges peut amener de changemens ! À travers l’isthme disparu, la mer s’ouvrit, en mugissant, un libre passage ; l’effort des ondes arracha la Sicile à l’Hespérie, et, séparant par un double rivage les villes et les campagnes, creusa le gouffre humide qui bouillonne entre elles aujourd’hui. La droite est gardée par Scylla : Charybde défend la gauche, l’implacable Charybde, qui trois fois le jour engloutit les vastes flots dans ses profonds abîmes, trois fois les revomit dans l’air, et les lance jusqu’aux cieux. Scylla veille cachée parmi des roches caverneuses ; la tête avancée sur les vagues, elle attire et brise les vaisseaux contre ses bancs invisibles. Son buste est d’une femme, et ses formes séduisantes