Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/33

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vaincue ! Le chef d’une horde proscrite toucherait les champs du Latium ! Ainsi l’ordonnent les destins ! Quoi ! Pallas, pour l’erreur d’un moment, pour l’aveugle délire du seul fils d’Oïlée, Pallas a pu mettre en feu les vaisseaux des Grecs, engloutir vivans leurs soldats ! Elle a pu, lançant elle-même du sein des nues les traits brûlans de Jupiter, exterminer leur flotte, et bouleverser les mers sous les vents conjurés ! Elle a pu saisir le coupable tout percé des coups de la foudre et vomissant la flamme, l’envelopper dans un noir tourbillon, et le clouer mourant à la pointe d’un rocher ! Et moi, qui marche l’égale du souverain des dieux ! moi, la sœur et l’épouse du maître du tonnerre, je lutte en vain depuis tant d’années contre une race sacrilége ! Eh ! qui croira désormais au pouvoir de Junon ? qui daignera porter encore à mes autels son encens et ses vœux ? »

Ainsi la fille de Saturne roulait dans son cœur enflammé ses sinistres projets. Soudain elle vole aux plages Éoliennes, sombre patrie des orages, mugissante demeure des impétueux autans. C’est là que règne Éole : là, dans un antre immense, il asservit à son pouvoir les vents tumultueux et les tempêtes grondantes : là son bras les enchaîne, et les tient enfermés sous des voûtes profondes. En vain ils frémissent indignés autour de leurs barrières, et font retentir la montagne de leur bruyant murmure : assis, le sceptre en main, sur une roche escarpée, l’austère Éole contient leur fougue, et tempère leur courroux. Sans le frein qui les maîtrise, ils