Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/331

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d’Hélymus, et presque sur la même ligne, fond l’impétueux Diorès ; son pied touche le pied de son rival, son souffle humecte ses épaules ; et s’il restait plus d’espace à franchir, Diorès, gagnant l’avantage, devancerait Hélymus, ou du moins la victoire resterait indécise. Déjà la carrière était presque fournie, et les combattans hors d’haleine allaient atteindre le terme fortuné, quand Nisus, par un sort cruel, rencontre hélas ! dans sa course, un sang noir et glissant qui le fait trébucher. C’était celui des taureaux immolés pour Anchise : la terre et l’humide verdure en étaient encore inondées. Là, trahi par un sol ingrat sur le seuil même de la victoire, le guerrier chancelant n’a pu conserver l’équilibre : il tombe, et balaye de son front la fange impure et le sang des victimes. Mais il n’oublie pas Euryale, il n’oublie pas celui qu’il aime. Tout à coup se redressant sur le perfide limon, il heurte Salius : Salius, renversé lui-même, roule dans la vase immonde. Euryale s’élance ; et vainqueur, grâce à l’amitié, il brille au premier rang, et vole au doux bruit des applaudissemens unanimes. Après lui triomphe Hélymus, et la troisième palme appartient à Diorès.

Cependant le vaste amphithéâtre retentit des longues clameurs de Salius : il en appelle au peuple, il en appelle aux juges du combat, et revendique un laurier que la ruse a surpris. Euryale a pour lui la faveur commune, et ses larmes touchantes, et ce charme de la vertu qu’embellit encore la beauté. Diorès le seconde, et le proclame d’une voix bruyante ; Diorès, qui suit Hélymus, et qui manque la dernière place,