Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/337

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suspendues en pompe à tes portes ? » Entelle répond en soupirant : « Non, l’amour de la gloire n’est pas éteint dans mon âme ; non, la crainte n’en bannit point l’honneur. Mais glacé par la froide vieillesse, mon sang ne bout plus dans mes veines ; et ma force épuisée trahit mes membres languissans. Ah ! si j’avais encore ce beau feu de la jeunesse qui m’animait autrefois, et qui donne à cet insensé tant d’assurance et d’orgueil ! si j’étais encore à la fleur de mon âge ! ce n’est, croyez-moi, ni l’espoir de la récompense, ni l’appât de ce taureau superbe qui m’eût amené dans la carrière : je n’ambitionne dans la victoire que la victoire elle-même. » En achevant ces mots, il jette au milieu du cirque deux gantelets d’un poids énorme, les mêmes dont le vaillant Éryx chargeait ses mains dans les combats, et que de dures courroies enlaçaient à ses bras puissans. Chacun tremble à cette vue : tant sont affreux à contempler ces cuirs épais, immenses, où la peau d’un bœuf entier se redouble sept fois, et que roidissent des lames de plomb cousues à des lames de fer. Plus que les autres, Darès tremble lui-même : il recule épouvanté devant l’horrible armure. Énée en admire la masse ; il en soulève, il en déroule et les vastes attaches et le volume épouvantable. Que serait-ce donc, reprit alors le vieil athlète, si ce peuple timide eût vu le ceste formidable de l’invincible Hercule, et son terrible combat sur ce même rivage ? Cette arme qui vous étonne, votre frère Éryx la portait autrefois : vous la voyez encore souillée du sang de ses rivaux et de leur crâne fracassé. Avec elle, il se mesura contre