Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/339

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le grand Alcide : par elle, je m’illustrai moi-même, lorsqu’un sang plus actif coulait dans mes veines, et que la vieillesse jalouse n’avait pas encore semé mon front de cheveux blancs. Mais si ce fier Troyen n’ose affronter les armes d’Entelle, si l’équitable Énée l’approuve, si le sage Aceste y consent, rendons la lutte égale. Reviens de ta frayeur, Darès ; je te fais grâce du ceste meurtrier d’Éryx : dépose à ton tour le gantelet phrygien. » Il dit ; et dépouillant ses épaules de son double manteau, il montre à nu ses larges muscles, ses os énormes, ses bras terribles, et semble un géant debout au milieu de l’arène.

Le fils d’Anchise prend alors deux cestes égaux, et revêt d’armes pareilles les mains des deux athlètes. À l’instant le couple robuste se dresse, s’affermit, et, disputant d’audace, lève en l’air ses bras menaçans. Rejetée en arrière, leur tête hautaine fuit loin du coup ; et cependant leurs mains se croisent, le combat s’engage et s’échauffe. L’un, plus souple en ses mouvemens, a pour lui sa verte jeunesse : l’autre est fort de sa masse et de son propre poids ; mais ses genoux fléchissent sous son corps tremblant ; un souffle rauque, entrecoupé, s’échappe avec peine de ses vastes poumons. Mille coups sont à la fois portés, rendus, parés : sans cesse l’arme cruelle bondit sur leurs flancs qui palpitent, ou retentit à grand bruit sur leur large poitrine : leur main rapide erre autour de l’oreille et des tempes : leurs joues crient, heurtées par le fer. Inébranlable roc, Entelle oppose à l’orage son immobilité : tantôt une inflexion légère, tantôt un coup d’œil habile, trompe ou prévient la furie de son