Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/361

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Soudain apportée par Eumèle, l’affreuse nouvelle se répand au tombeau d’Anchise et dans le vaste amphithéâtre : « Les galères sont en feu ! » On regarde, et déjà s’élèvent jusqu’au ciel de noirs et brûlans tourbillons. Encore tout occupé de ses aimables courses, Ascagne s’élance le premier vers la rive tumultueuse ; il y pousse son coursier rapide, ses gardes s’efforcent en vain de l’arrêter. « Quel étrange délire, s’écrie t-il ? Que faites-vous, qu’espérez-vous, ô malheureuses citoyennes ? Ce n’est point la flotte ennemie, ce n’est point le camp des Grecs, c’est votre dernier espoir, hélas ! que vous livrez aux flammes. Ouvrez les yeux ; reconnaissez Ascagne, reconnaissez le fils de votre roi. » Il dit, et jette à leurs pieds le vain casque dont il était couvert, quand ses jeux offraient dans l’arène le simulacre des combats. En même temps Énée paraît ; avec lui paraissent les légions troyennes. À sa vue, les coupables, saisies d’effroi, se dispersent le long des rivages ; elles vont cacher leur honte au fond des bois, dans le creux des rochers, aux antres les plus secrets : le remords les tourmente, le jour les importune : revenues de leur fatal vertige, elles détestent leur aveuglement : Junon n’obsède plus leur âme. Mais la flamme indomptée n'en poursuit pas moins ses ravages. L’étoupe allumée sous l’humide sapin vomit une épaisse fumée : un feu lent couve au fond des carènes, et sa sourde activité mine dans l’ombre le corps entier des vaisseaux. Ni l’effort de mille bras, ni l’onde épanchée par torrens, ne peuvent apaiser l’incendie.

À ce spectacle, Énée, profondément ému, déchire