Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/363

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ses vêtemens ; il implore la pitié des dieux ; il s’écrie, les mains levées au ciel : « Jupiter tout-puissant ! si ta haine n’a point encore proscrit jusqu’au dernier des Troyens, si ta bonté constante s’intéresse encore aux malheurs des mortels, daigne arracher nos vaisseaux à ces feux destructeurs ; et sauve, ô père des humains, sauve de leur ruine les faibles restes de Pergame ! Ou si je t’offensai, qu’à l’instant, pour faveur suprême, tes carreaux vengeurs éclatent sur ma tête, et que ton bras irrité s’appesantisse sur moi seul. » Il parlait : aussitôt le ciel se couvre d’épais nuages ; une horrible tempête gronde dans les airs ; le bruit du tonnerre ébranle les montagnes, et fait trembler les plaines. Au souffle des vents déchaînés, l’Olympe entier semble se fondre en noirs torrens de pluie. Un vaste déluge inonde et les proues et les poupes : les mâts demi-brûlés boivent l’onde secourable : en vain la flamme se débat sous les eaux, elle cède ; et de tous les navires, quatre seulement succombent aux fureurs de Vulcain.

Cependant consterné d’un aussi cruel revers, le fils d’Anchise flottait irrésolu entre les mouvemens contraires dont son âme était agitée. Doit-il, oubliant les oracles, choisir pour séjour les champs de la Sicile ? doit-il, fidèle à sa gloire, chercher les rivages de l’Ausonie ? Telles étaient ses incertitudes. Alors le vieux Nautès s’avance ; Nautès, que l’immortelle Pallas avait pris soin d’instruire, et d’initier elle-même à ses doctes secrets ; Nautès, dont la sagesse expliquait aux Troyens et ce qu’il fallait craindre de la colère des dieux, et ce qu’exigeait l’ordre immuable