Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/415

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peine, et calment un peu ses douleurs : il sourit à la terre qui doit porter son nom.

Cependant le héros et son guide poursuivent leur route mystérieuse, et s’avancent vers le lac abhorré. D’aussi loin que le nocher, debout sur l’onde qu’il domine, les a vus cheminer dans la forêt silencieuse, et se diriger vers la rive, il les arrête, et leur crie d’un ton menaçant : « Qui que tu sois, couple audacieux, qui marches armé vers nos bords, parle, que cherches-tu ? Recule, ou frémis d’approcher. C’est ici le séjour des Ombres, l’empire du Sommeil et de la Nuit éternelle : ma barque ne reçoit point les vivans. Il m’en a trop coûté pour avoir aplani ces flots à Pirithoüs, à Thésée, au vaillant fils d’Alcmène, quoiqu’ils fussent du sang des dieux et d’une force indomptable. Alcide osa charger de chaînes le gardien des Enfers, et l’arracha tremblant du seuil même de Pluton : Pirithoüs et Thésée tentèrent de ravir Proserpine à la couche du noir monarque. » « Loin de nous de pareils complots, répond la vierge du dieu d’Amphryse ; tu peux te rassurer : ce glaive n’apporte point la guerre. Que, du fond de son antre, l’aboyant portier du Tartare continue d’épouvanter le pâle essaim des Ombres ; que la chaste Proserpine règne sans crainte auprès de son époux. Tu vois ce Troyen illustre, cet Énée, fameux par ses vertus autant que par ses exploits : c’est pour visiter son père qu’il ne craint pas de s’enfoncer dans les profondeurs de l’Érèbe. Si l’effort de tant d’amour ne fléchit point ta rigueur, reconnais du moins ce rameau. » Elle