Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/427

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au milieu d’elles une torche allumée, elle appelait du haut des tours nos implacables ennemis. Moi, durant cette folle ivresse, épuisé de veilles et succombant de lassitude, je m’étais étendu sur ma couche funeste, et j’y dormais enseveli dans un profond sommeil, semblable au calme de la mort. Cependant ma digne épouse écarte du palais toutes les armes qu’il recèle, et dérobe à mon chevet le glaive qui protégeait mon repos. Elle-même elle guide Ménélas jusqu’au seuil nuptial, elle-même ouvre les portes, et me livre à mes bourreaux : espérant sans doute reconquérir, par ce brillant exploit, le cœur de son premier époux, et racheter, par un plus grand crime, ses attentats passés. Que te dirai-je ? les lâches fondent sur mon lit ; avec eux est Ulysse, l’âme des noirs complots. Dieux, rendez aux Grecs ce qu’ils m’ont fait souffrir ! qu’ils périssent, les monstres, si ma vengeance est juste ! Mais toi, parle à ton tour : quelle étrange aventure t’amène vivant chez les morts ? Y viens-tu, poussé par le caprice des mers, ou conduit par la faveur du ciel ? Quelle impérieuse nécessité te force à descendre en ces demeures où le soleil ne luit jamais, où règne un éternel chaos ? »

Pendant ces entretiens, le dieu du jour sur son char vermeil avait déjà fourni dans les cieux la moitié de sa carrière ; et peut-être allaient se perdre en vains discours les momens dus à d’autres soins. Mais la Sibylle interrompt des propos superflus : « Le temps fuit, Énée, s’écrie-t-elle ; nous cependant,