Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/431

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répond Déiphobé, le ciel interdit au juste le seuil de ces demeures impies. Mais lorsque la puissante Hécate m’ordonna de veiller sur les bois de l’Averne, elle m’instruisit elle-même des vengeances des dieux, elle-même conduisit mes pas sous ces voûtes sinistres. C’est là que Rhadamanthe exerce son rigoureux empire ; là qu’armé de tortures, il interroge les pervers ; là qu’il arrache à leur malice l’aveu des crimes de leur vie, de ces crimes cachés, dont ils s’applaudissaient en vain dans l’ombre, et qu’attendait le châtiment à l’heure tardive de la mort. Aussitôt, déployant ses lanières sanglantes, l’impitoyable Tisiphone déchire d’une main ses victimes dont les souffrances font sa joie, et, secouant de l’autre ses hideuses vipères, elle appelle au secours de sa rage ses effroyables sœurs. »

Tout à coup les portes redoutables tournent en criant sur leurs gonds qui mugissent. « Tu vois quel affreux satellite occupe ce vestibule ? quel horrible spectre en défend l’approche ? Au-delà, plus terrible encore, une hydre, aux cent gueules béantes, rugit dans un antre profond. Plus bas, le Tartare lui-même, ouvrant ses larges gouffres, s’enfonce deux fois autant sous la nuit de l’Érèbe, que s’élève au-dessus de la terre la voûte étoilée des cieux. Là ces vieux enfans d’Uranus, les Titans, terrassés par la foudre, roulent à jamais dans des abîmes sans fond. Là j’ai vu les deux fils d’Aloüs, géans énormes, qui, de leurs mains, tentèrent d’ébranler l’Olympe, et de renverser Jupiter du trône de sa gloire. J’ai vu l’audacieux Salmonée expier, dans