Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/435

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s’avance vers ces mets désirés, la Furie se dresse, et, levant sa torche, les effraie de sa voix tonnante. Plus loin sont enfermés ces frères jadis armés contre leurs frères ; ces fils dénaturés, dont un père subit les outrages ; ces infidèles patrons, spoliateurs de leurs cliens ; ces avares, couvant seuls autrefois leur trésor inutile, et qui refusèrent une obole à l’indigence : ce nombre est infini. Là sont encore et ces lâches adultères, tombés sous un fer vengeur ; et ces furieux, égarés sous des drapeaux impies ; et ces parjures, qui trahirent leurs sermens et leurs maîtres. Tous attendent, en frémissant, le salaire de leurs crimes. Ne demande point quelle peine suit l’attentat : la mesure du délit fait celle du châtiment. Ceux-ci roulent un roc immense qui les repousse toujours. Ceux-là, cloués aux rayons d’une roue, tournent sans cesse avec elle. Assis sur la pierre immobile, l’infortuné Thésée doit y gémir éternellement assis ; et plus misérable encore, Phlégyas, épouvantable exemple, crie d’une voix lamentable au milieu des ténèbres : apprenez par mes tourmens à respecter la justice, à redouter les dieux ! Ce traître a vendu sa patrie au poids de l’or, et l’a soumise au joug d’un tyran : sa cupidité fit les lois, sa cupidité les défit. Ce père incestueux a souillé le lit de sa fille, et fait rougir la nature d’un infâme hyménée. Tous ont tramé de noirs complots, et joui sans remords du succès de leurs trames. Non, quand j’aurais cent bouches, cent langues, une voix de fer, je ne suffirais point à dénombrer tant de forfaits, à décrire