Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/45

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s’élancent des navires, embrassent avec transport la rive implorée si long-temps, et se reposent sur l’arène, tout dégouttans encore de l’écume des mers. À l’instant même Achate, frappant les veines d’un caillou, en fait jaillir une étincelle ; un lit de feuilles la reçoit : le feu s’allume ; il s’étend, il dévore son aride aliment, et s’élève en flamme ondoyante. On tire alors des vaisseaux et les instrumens de Cérès et ses trésors qu’a souillés l’onde amère. Le besoin pressant ranime leurs forces épuisées ; et le grain sauvé du naufrage pétille à l’ardeur des brasiers, ou crie sous la pierre qui le broie.

Cependant Énée gravit le sommet d’un roc ; et de là, ses regards inquiets parcourent au loin l’immensité des mers : heureux, s’il pouvait découvrir ses nefs égarées par l’orage, les galères phrygiennes ou la birème d’Anthée, la voile de Capys ou la poupe que décorent les armes de Caïcus ! Rien ne s’offre à ses yeux…. rien ! Mais il aperçoit à ses pieds trois cerfs errans sur le rivage : derrière eux marche un nombreux troupeau, paissant à travers les vallées. À cette vue, le héros s’arrête : il saisit son arc et ses flèches rapides, ses flèches que portait le fidèle Achate ; et soudain, malgré l’orgueil de leur antique ramure, ces chefs au front superbe tombent sous ses coups. Ensuite, volant sur leur timide escorte, ses traits poursuivent la troupe agile à travers les taillis épais ; et l’arc vainqueur ne se repose, qu’après avoir immolé sept énormes victimes, dont le nombre égale celui des vaisseaux. Alors Énée revient au port, et partage entre ses guerriers le tribut des forêts. Il y joint les