Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/65

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ne vous voit pas dans sa colère, puisqu’il vous amène à Carthage. Marchez ; le palais de la reine s’ouvrira devant vous. Bientôt vos compagnons sauvés souriront à votre retour ; bientôt vos nefs recueillies oublieront au port les orages ; et déjà le fier aquilon s’est changé pour elles en zéphyr. Ce présage est infaillible, ou les leçons d’un père instruisirent en vain ma jeunesse dans l’art sacré des augures. Contemplez ces douze cygnes se jouant dans la nue : tantôt l’oiseau de Jupiter, fondant des hauteurs de l’Olympe, poursuivait leur troupe dispersée ; maintenant réuni, l’essaim joyeux a déjà touché la terre, ou près de la toucher, la salue d’un cri d’allégresse. Affranchis du péril, comme ils célèbrent leur bonheur par le battement de leurs ailes ! comme ils tournent en cercle folâtre dans le vague azur des airs ! Ainsi vos poupes fortunées, ainsi vos guerriers triomphans, ou reposent dans la rade, ou s’élancent à pleines voiles aux bords hospitaliers. Marchez donc ; et suivez la route que fraye à vos pas la fortune. »

Elle dit, se détourne, et s’éloigne. Alors son front de rose brille d’un éclat céleste ; la douce odeur de l’ambroisie s’exhale de ses cheveux divins ; sa robe se déploie mollement sur ses pieds immortels ; Vénus marche : son port révèle une déesse. Le héros a reconnu sa mère ; et triste, suivant des yeux sa course fugitive : « Quoi, vous aussi, cruelle ! vous abusez par des images trompeuses un fils qui vous implore ! Sa main est-elle indigne de presser votre main chérie ? Ne puis-je, hélas ! vous parler, vous entendre, sans