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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/71

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reine, il promène dans ce temple pompeux son muet étonnement, tandis qu’il admire en silence la fortune de Carthage, et la nature et l’art prodiguant pour l’embellir leurs miracles divers ; il voit représentée sur des tableaux fidèles la longue suite des combats d’Ilion, et ces conflits mémorables dont la Renommée a déjà rempli l’univers ; il voit le fier Atride et le malheureux Priam, et l’implacable Achille, Achille fatal à tous les deux. À cet aspect, Énée s’arrête ; et les yeux mouillés de larmes : « Quel climat, cher Achate, quel coin du monde aujourd’hui, n’est plein de nos désastres ? Voilà Priam ! ainsi donc, jusqu’en ces déserts, il est un prix pour la vertu, il est des pleurs pour l’infortune ; et l’homme y compatit aux maux de ses semblables ! Bannis la crainte : l’éclat de nos revers nous servira d’égide. »

Il dit ; et sa douleur aime à se nourrir de ces vains simulacres : chaque objet lui rappelle d’affligeans souvenirs, et des torrens de larmes inondent son visage. Là se retraçaient à sa vue tant d’horribles rencontres, dont le choc fit trembler Pergame : d’un côté les Grecs vaincus reculent, et la jeunesse Troyenne poursuit leurs débris épars : de l’autre, l’épouvante a dispersé les Phrygiens, et sur eux fond Achille, poussant son char rapide, agitant son panache affreux. Non loin s’élèvent les pavillons de Rhésus ; à leur éclatante blancheur, Énée les reconnaît en gémissant. Conduit par un traître dans l’ombre de la nuit, le cruel Diomède les a souillés d’un long carnage ; et tout couvert de sang, il chasse au camp des Grecs les bouillans coursiers du monarque, avant qu’ils aient goûté les