Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/75

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extase, et ne peut en détacher ses avides regards ; la reine de Carthage, la belle Didon s’avançait vers le temple, entourée du pompeux cortège de la jeunesse Tyrienne. Telle aux bords de l’Eurotas, ou sur les hauteurs du Cynthe, Diane préside à ses danses solennelles. Rassemblé sur ses pas, le chœur nombreux des Oréades se groupe autour de la Déesse : elle marche ; un carquois d’or résonne sur ses épaules, et dans son port majestueux elle surpasse de la tête les immortelles qui l’environnent. Latone sourit à tant de charmes, et son cœur maternel palpite d’un doux orgueil. Telle se montrait Didon : telle, unissant la noblesse et la grâce, elle fendait les flots d’un peuple respectueux, animait les travaux, et pressait l’édifice de sa grandeur future.

Bientôt elle touche le seuil du sanctuaire. Là sous un dôme spacieux, escortée de ses gardes, et montée sur un trône éclatant de splendeur, elle s’assied au milieu du temple. Tandis qu’elle proclame ses arrêts, et dicte des lois à l’État ; qu’elle distribue les différens travaux au gré de sa justice, ou les partage au gré du sort ; tout-à-coup le héros, au milieu d’une foule immense, voit arriver Anthée, Sergeste, et l’intrépide Cloanthe, et la fleur des Troyens, que naguère les noirs aquilons avaient égarés sur les eaux et jetés loin de lui sur des plages inconnues. Frappés d’étonnement, Énée demeure immobile, Achate respire à peine : et la joie et la crainte les agitent tour-à-tour. Ils brûlent de courir, d’embrasser les amis que le ciel leur renvoie : mais une secrète inquiétude les trouble et les arrête. Le fils d’Anchise dissimule, et, toujours