Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/77

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invisible sous la nue qui l’entoure, veut apprendre, avant de la rompre, quel accueil attend ses guerriers, quel rivage a reçu leur flotte, quel espoir enfin les amène. Envoyés des nefs échappées au naufrage, ils venaient implorer le respect qu’on doit au malheur ; et leurs cris supplians assiégeaient les portes du temple.

Admis au pied du trône, Didon permet à leur douleur d’y déposer sa plainte. Alors, d’un ton noble et modeste, Ilionée parle en ces termes : « Reine auguste ! ô vous que les dieux ont choisie pour fonder un nouvel empire, et soumettre au frein des lois des nations superbes ! d’infortunés Troyens embrassent vos genoux : jouets des vents, rebuts des flots, c’est à vous qu’ils ont recours. Ah ! sauvez nos vaisseaux que menacent les flammes ; épargnez un peuple pieux, et jetez sur nos disgrâces un œil compatissant ! Nous a-t-on vus, le fer en main, ravager les champs de l’Afrique, ou regagner les mers, chargés d’un infâme butin ? Non ; ces fureurs ne sont point dans notre âme, et tant d’audace convient mal à des vaincus. Il est un lieu, connu des Grecs sous le nom d’Hespérie ; terre antique, terre féconde en valeureux soldats, en riches moissons : jadis occupée par les enfans d’Œnotrus, on l’appelle Italie depuis qu’Italus y régna. C’est là que tendait notre course ; quand soudain, levé sur les ondes, l’orageux Orion nous pousse contre des bancs perfides, nous livre aux autans déchaînés, aux vagues mugissantes, et nous disperse à travers le gouffre écumant, parmi des rocs inaccessibles. À peine un faible nombre a