Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/83

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Achate enfin rompt le silence : « Fils de Vénus, balancez-vous encore ? Vous le voyez, plus de périls ; le sort vous rend et votre flotte et vos guerriers. Le seul qui manque à nos vœux, nous l’avons vu nous-mêmes s’abîmer au milieu des flots. Ainsi le ciel accomplit le présage de votre mère. » Il achevait à peine, quand soudain la nue qui les cache s’entr’ouvre, et s’évapore dans les airs diaphanes. Énée paraît alors, et l’éclat de ses traits efface l’éclat du jour : à son air, à son port, on l’eût pris pour un dieu. Vénus elle-même se plut à l’embellir ; Vénus, d’un souffle divin, donne à ses longs cheveux une grâce nouvelle, fait briller sur son teint les roses de la jeunesse, et mêle un charme ineffable au feu de ses regards. Telle une main savante prête un nouveau lustre à l’ivoire ; tel rayonne l’argent, ou le marbre de Paros, incrusté d’un or pur.

Ainsi le héros se présente à la reine, et son aspect inattendu ravit tout un peuple en extase. « Le voici devant vous, celui que vous cherchez, dit-il ; ce Troyen malheureux, cet Énée, dont le sort vous touche, les dieux l’ont arraché aux syrtes de la Libye. Ô vous, seule sensible aux affreux revers d’Ilion ! c’est donc peu de nous accueillir, nous déplorables restes de la fureur des Grecs, nous sur qui la terre et les mers ont épuisé tous leurs fléaux ; nous délaissés de la nature entière ! vous daignez encore nous offrir une patrie dans vos remparts, un asyle dans votre cour ! Ah ! pourrons-nous jamais, généreuse Didon, reconnaître tant de bonté ? non ; vos soins prévenans ont surpassé nos espérances ; et tout