ce qui survit de Troie dans l’immense univers ne saurait payer vos bienfaits. Mais si le ciel honore l’équité, si le bonheur suit la vertu, puisse la faveur des dieux, puisse le témoignage d’un cœur pur, être la digne récompense d’un si noble intérêt ! Quels siècles fortunés vous ont vue naître ? quels parens illustres vous donnèrent le jour pour l’ornement du monde ? Tant que les fleuves courront vers l’Océan, tant que les heures promèneront les ombres au penchant des montagnes, tant que le feu des astres s’alimentera dans les cieux ; oui, toujours votre auguste image sera présente à ma mémoire ; et quels que soient les lieux où le destin m’appelle, j’y publierai sans cesse la gloire de votre nom. » Il dit ; et s’avançant d’un air affable, il présente une main au sage Ilionée, offre l’autre à Séreste, puis embrasse tour-à-tour et le brave Gyas et le vaillant Cloanthe, et leurs fidèles compagnons.
Étonnée de tant de grandeur, et touchée de tant d’infortune, Didon gardait un long silence. Mais élevant enfin la voix : « Quel sort contraire, ô fils d’une déesse, vous précipite à travers de pareils orages ? Quelle puissance ennemie se plaît à vous jeter sur des plages barbares ? Vous êtes donc cet illustre Énée, que la belle Vénus mit au jour près des ondes du Simoïs, quand elle reçut dans ses bras le magnanime Anchise ! Jadis, je m’en souviens, Teucer, chassé de Salamine, et cherchant de nouveaux états, vint solliciter à Sidon le secours de mon père : alors vainqueur de l’opulente Chypre, Bélus y portait la terreur, et la soumettait à ses armes. Dès ce temps